CAROLE CETTOLIN - Artiste photographe
LE TEMPS DE LA VILLE COMME MEDUSE
Cyanotype sur verre
Notre vie en ville est une course perpétuelle. Nous sommes devenus des chronophages. Tout le temps nous courrons après le temps, en consommons de plus en plus et nos emplois du temps sont pleins à craquer. Nous tentons chaque jour d’en faire toujours plus, évoluant dans la croyance que nous aurions un don d’ubiquité, confortée par la frénésie urbaine, les réseaux sociaux et les nouveaux modes de communication.
Vivre pleinement sa vie, ce serait la remplir d’expériences et de nouveaux challenges. Mais plus nos expériences se multiplient et plus leur obsolescence se révèle à nous. Nous n’en sommes plus à une contradiction près, nos attentes deviennent schizophrènes : Nous voulons à la fois, jouir d’un temps tout autant comprimé qu’augmenté pour faire toujours plus, et à la fois prendre le temps, l’étirer, le savourer.
La ville, elle, dans sa promesse d’intensité, ne fait qu’amplifier ce phénomène : elle n’apporte pas de pause naturelle. Alors dans cette course effrénée du temps, et le besoin permanent de l’arrêter, on cherche ce qui pourrait nous apaiser.
Et moi, je n’ai rien trouver de plus efficace que d’aller au médusarium. Ainsi, l’espace de quelques heures, le temps s’arrête, comme suspendu aux tentacules de ces êtres marins, pleins de vides.
Je viens au contact d’une nature exotique contempler des spécimens vivants, presque statiques, privés de liberté, et enfermés dans cet aquarium si petit au regard de l’immense océan qu’ils auraient pu habiter. Leur immobilité fulgurante me recharge, vidant ce trop-plein accumulé en moi, au prix d’un vol manifeste, celui d’existences pélagiques si mystérieuses.
Et comme je n’en suis plus à quelques paradoxes près, me voilà l’envie de revenir encore et encore ! Mais cette fois pour les suivre, les filmer puis les photographier, tandis qu’un nouveau projet se dessine avec d’ambitieux objectifs. On ne s’extrait pas comme cela du rythme citadin ! Heureusement je retrouve cette dose de temps suspendu qu’offraient à mon regard ces belles méduses, lorsque je coule délicatement ma solution de cyanotype mêlée de gélatine sur mes plaques de verre.
Un éloge de la lenteur, un élan vital !