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L'ECLAIREUR

Faire face à la lumière.

 

La vue est un don

 

​Furtif, profond, insistant, analytique. Les adjectifs ne manquent pas pour qualifier le regard. Dans une société où la vue est en permanence sollicitée, quelle place donner, ou redonner, à l’acte de voir ? D’autant plus que, contrairement à une idée apparemment reçue, une vision de qualité n’est jamais chose acquise. Comme pour toute prédisposition qui semble « naturelle », la tentation est grande de tomber dans la routine. Et rien n’est pire que l’habitude, qui conduit fatalement à une perte de l’émerveillement. Carole Cettolin l’a bien compris, elle qui a choisi la photographie pour retranscrire le monde, son monde.

 

​Pour cette artiste passionnée, voir est un don, partager son regard une nécessité. Sa démarche exalte la naissance comme le premier combat à mener – pour saisir toute l’essence de la vie ? – poussant la créativité jusqu’à photographier « dans la douleur ». Dans Rendez-vous à 20h05, sa première exposition personnelle, les photographies avaient été prises avec un appareil dont la caractéristique principale était de posséder un objectif cassé. Cette série donnait la parole aux moindres détails du quotidien : une plume, un verre de vin, des touches de téléphone… Paradoxe de l’objet : à la fois obstinément silencieux et expression intime d’une vie intérieure.

 

​Pour sa deuxième exposition intitulée L’éclaireur, la jeune photographe s’est servie d’un appareil en plastique venu tout droit de l’ancienne U.R.S.S, au doux nom d’Holga. Cet outil, plus proche du jouet que du matériel professionnel, permet les surimpressions, mais non de régler le temps d’exposition, et donc la luminosité. L’œil de l’artiste devient alors la seule mesure pour ne pas brûler le négatif. Le traitement croisé, déjà utilisé pour Rendez-vous à 20h05, donne ici toute son ampleur aux œuvres, en teintant chacune d’elles d’une couleur dominante, comme une aura, qui capte une atmosphère plus qu’elle ne dit la réalité.

 

​La vie en bleu, vert ou or.

 

​Parce qu’il ne faut pas se laisser duper par les titres à consonance scientifique : Pantone 7477c ou Pantone 7479c… Au premier abord, ceux-ci semblent réduire les œuvres à un code, à un numéro de série- pensez aux numéros d’inventaire, comme pour les peintures de feu d’Yves Klein : F 44, MG 3… Cette froideur quasi mathématique paraît contredire toute la poétique de la série, comme si un titre trop évocateur ne ferait qu’alourdir le propos, voire annulerait la magie. Trop de poésie tue-t-elle la poésie ?

 

​En introduisant ses œuvres par des chiffres, Carole Cettolin veut nous renvoyer à une réalité qualitative, et non quantitative. Ces numéros parlent d’intensité de couleur et non de dénombrement. L’artiste n’est pas tant en quête d’une vérité objective que d’un regard totalement subjectif et empli d’émotion sur ce qui l’entoure. Cela explique que ce ne soient pas non plus des Sans titres, trop impersonnels ! Son œuvre est une incitation à la révolte. À bas les blasés ! À bas la lassitude ! Il faut retrouver un regard émerveillé sur notre monde, être en permanence à l’affût du détail qui transmute le réel, saisir l’instant dans ce qu’il a d’éternel. Après tout, d’un souvenir, il ne nous reste souvent qu’une sensation, aussi irréelle et lointaine qu’un rêve, qui peut se résumer à une seule et unique couleur. La vie peut bien être rose, alors pourquoi pas bleue, verte ou or ?

 

​Et pour pousser ce raisonnement jusqu’au bout dans notre monde informatisé, pourquoi pas un bleu Pantone 7477c ? Carole Cettolin joue sur les ambiguïtés. Elle suggère l’intervention de l’ordinateur, alors qu’elle ne recadre pas – jamais ! -, n’intensifie pas les couleurs, ne retravaille pas ses clichés, par ce biais. Elle fait un parallèle avec les Pantones pour mieux accentuer le fait que chez l’homme, l’analyse se fait par l’œil, à la fois organe sensible, filtre du prisme coloré et guide de sa conscience. En partant de l’humain et de ses émotions, à l’aide des langages photographique et informatique, l’artiste pose sous nos yeux les bases de sa propre palette picturale.

 

​L’ombre révèle la lumière

 

​Associer l’homme et la machine. Fondre la nature et la ville. Marier l’ombre et la lumière. Comme tout microcosme renvoie au macrocosme, Carole Cettolin a glissé d’un cadrage au plus près et amoureux du détail vers une réflexion sur le monde. Parisienne depuis toujours, l’artiste pose un regard poétique sur sa ville, la ville lumière. Certains n’y voient que froideur, pollution et artificialité ? C’est pourtant là, au cœur d’un environnement urbain qu’elle aime, que l’artiste puise son inspiration. Les grues, les cours d’école, les monuments célèbres, qu’elle superpose à un ciel, une plage bretonne, un arbre dénué de feuilles sont autant de preuves, s’il en faut, que là où d’autres voient de la vase, l’artiste révèle la plus belle des fleurs.

 

​À travers ses œuvres, dont elle revendique l’esthétisme, la photographie nous éclaire sur nous-mêmes. Pauvres petits papillons attirés par la bougie, nous évoluons avec la peur d’être brûlés par ce qui nous fascine le plus : la flamme. Or, non seulement elle nous montre qu’il est possible de photographier les contre-jours, mais surtout, elle démontre que cette confrontation directe, sans filtre, est même le meilleur moyen d’embrasser toute l’intensité du prisme lumineux.

 

​De cette démarche impressionniste, Carole Cettolin nous livre une œuvre surréaliste, où l’ombre est omniprésente pour mieux révéler la lumière. Lâchons nos croyances. Suivons le chemin tracé par l’artiste. Abandonnons-nous totalement à la sensation. Plongeons dans notre ressenti pour explorer des lieux jusqu’alors inconnus. Acceptons de nous laisser éblouir, dans un vertige proche de l’orgasme, par le soleil vu de face. Dans cette aventure, il n’y a qu’un risque : découvrir notre lumière intérieure !

 

 

​Thi-Von Muong-Hane, Chatou, 9 février 2005

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